MCK Record : le studio de la débrouille
Les six membres de MCK Record, âgés de 18 ans en moyenne, enregistrent et filment leur productions au sous-sol d’un centre social. Après quatre ans de « débrouille », ils bossent aujourd’hui avec des rappeurs confirmés comme la Guirri Mafia.
Quartier La Rose, 13e - « Ca bouge tellement vite ! », s’exclame Abdou, alias Mini Hamo. Le petit studio MCK Record, niché au sous-sol du bâtiment N du grand ensemble de Frais-Vallon, au nord de Marseille, a tout juste un an. Son fondateur, 18 piges à peine, est sur tous les fronts. Retape, peinture, achat de matériel... Lui et cinq de ses amis, rappeurs ou fans de rap, ont tout géré. Aujourd'hui, ils tournent des clips pour la Guirri Mafia ou le rappeur parisien ELC, tout en produisant leurs propres sons.
L’équipe, composée des rappeurs Heusni, Mafiosa, Lamso et Dièze, du beatmaker NiggazBeat'z et de Mini Hamo s’est formée en 2014. Pull noir, jean blanc et casquette des Yankees sur la tête, Abdou revient sur ses débuts. À seulement 14 ans, il décide d’investir un local abandonné en bas du bâtiment où il habite : « J’ai dit “bon, je vais faire un studio†et je me suis installé. » Après embrouilles et négociations avec HMP, l’office qui gère le bâtiment, ils sont autorisés à rester. Dans ce premier studio, l’équipement est encore sommaire. « On avait une petite carte son, un micro, un ordinateur, des petits hauts-parleurs de radio, on se démerdait, on ne connaissait rien encore », se souvient-il.
Un chantier plié en deux mois
Pendant trois ans, le collectif progresse, rénove et achète du matériel, jusqu'à ce que la police intervienne, prenant le studio pour un squat. Il s'avachit dans le fauteuil et plonge la tête dans ses mains pour mimer l’abattement du moment. « Je suis arrivé le matin, la porte était ouverte, tout était cassé. Ils ont attrapé tous les jeunes du quartiers. Je sais pas pourquoi ils sont allés dans nos studios ! » Démoralisés mais déterminés, Abdou et ses collègues se plaignent au centre social du quartier : « Il nous faut un studio, il ne faut pas qu’on arrête maintenant. On a bien commencé, on fait les choses bien », assurent-ils.
L’argument convainc Andrée, la directrice du centre, qui leur propose des locaux au sous-sol tout en précisant : « Franchement c’est pas au top. » Effectivement, une fuite inonde ce qui n’est encore qu’une cave. Qu'importe, ils sautent sur l’occasion. « On a dit : c’est rien ! Nous on sait faire les travaux ! » Dièze s’occupe du carrelage, Abdou de l'électricité, un graffeur vient peindre sur un mur. Le chantier est plié en deux mois. « En fait, tout le monde sait faire quelque chose et comme d’hab’ on se mélange tous et ça donne un bon résultat. »
Seuls les escaliers sombres qui y mènent permettent d’imaginer l’état des lieux avant travaux. Dans la station de montage et de mixage, un papier-peint noir, sur lequel se détache des têtes de mort en velour, encadre une baie vitrée qui donne sur la cabine d’enregistrement. L’équipe a aussi investi dans un drône, pour tourner les incontournables plans aériens surplombant les quartiers.
Un travail d’équipe
L’image un peu tremblante et les visages adolescents des premiers clips paraissent déjà loin. Abdou a commencé en concevant des visuels fixes pour habiller des morceaux postés sur Youtube. Il enchaîne maintenant des clips tournés en une journée qu’il monte parfois le soir même. Parmi ses réalisations : Philipp Plein ou Sergio Tacchini de la Guirri Mafia, et le prochain clip de MRC et YL que lui a confié le studio Beat Bounce. Abdou ne délaisse pas pour autant les rappeurs de MCK. En tournage à Dubaï pour ELC, il en profite pour clipper Warrior, avec son collègue Heusni.
« Fais des instrus un peu, ça tue ! »
Dans le collectif, tout le monde s’essaye à tout et avance ensemble. « Le but c’est de leur faire faire plein de choses, de voir dans quel domaine ils sont meilleurs, dans quelle voie ils peuvent partir, quel public il peuvent prendre en fonction de leur image. En fait, je ne fais pas que les clips », explique Abdou. Pas seulement réalisateur mais aussi producteur, c’est lui qui incite son frère à devenir beatmaker. « J’ai vu mon petit frère, je lui ai dit 'tu fais quoi dans ta vie toi ? Fais des instrus un peu, ça tue, y a plein de choses à apprendre !' » Quelques tutos plus tard, le petit frère, devenu NiggazBeat'z, réalise la plupart des instrus du studio. Pour l’instant, seul Heusni a un producteur. Pour les autres artistes, chacun participe au financement des projets. « Toujours dans la débrouille, on a grandi avec ça quand on a commencé », conclut Abdou.
Chloé Morisset
Adresse
53 avenue de Frais Vallon, 13013 Marseille
Horaires
Sur le web
https://www.youtube.com/channel/UCRsUB7SP9K2_NLt6INXvcPQ