La Maison Hantée, le bar des rockers qui a ouvert ses portes aux premiers rappeurs
C’est dans cette petite salle underground du quartier du Cours Julien qu’au milieu des années 80 les premiers rappeurs marseillais ont commencé à prendre le micro.
« Les rockers nous ont invités à la Maison Hantée alors que toutes les portes nous étaient fermées », raconte DJ Rebel, l’un des pionniers du rap à Marseille. Dans les années 80, tout le petit monde, alors underground, des rappeurs marseillais est accueilli par les rockers dans cette salle mythique. Rien de plus normal pour Yann, l'un des fondateurs. Cheveux longs, habillé de jean, les yeux bleus qui pétillent, il explique : « Accueillir les rappeurs c’était naturel car c’était les mêmes revendications que le rock urbain, c’était de l’underground » .
Fin 1984, il reprend, avec un ami, le Café Théâtre de la Plaine au 10 rue Vian, près du Cours Julien, qu'il rebaptise la Maison Hantée. À Marseille, à l’époque, peu de salles proposent des concerts et Yann va faire de ce petit bar sombre - qu’il agrandit d’une mezzanine panoramique - le lieu de rendez-vous de toute la scène alternative phocéenne. Ça va durer 10 ans.
La jauge est limitée : de 100 à 150 personnes quand la salle est pleine à craquer. Et il y a autant de monde dehors. « Enfin, il existe un lieu où l’on peut voir des concerts improbables chaque soir ! Toute une faune bigarrée commence à graviter autour de la Maison Hantée », relate l'auteur Julien Valnet, dans son ouvrage « Mars, Histoires et légendes du Hip Hop marseillais » (Wildproject Éditions, 2014).
Les premiers sons des rappeurs
Tous les pionniers du rap marseillais y ont fait leur première scène : Soul & Radical, futurs Soul Swing, Boss One de 3e Œil, Soly de B.Vice, et bien sûr Lively Crew renommé B-Boy Stance avant de devenir IAM quand Imhotep et Freeman les rejoignent. Lorsqu’IAM fait la première partie de Madonna à Bercy, devant 17.000 personnes, c’est à la Maison Hantée qu’ils jouent le lendemain, une fois de retour sur la planète Mars.
Si c’est d’abord un bar rock, punk, alternatif, la Maison Hantée est aussi le rendez-vous des groupes de reggae, de raï, de raggamuffin, de tout l’horizon des musiques alternatives. Et les musiques se parlent. Rebel, par exemple, y passait des soirées avec un ami punk qu’il initie au rap et qui lui fait découvrir le punk et le hard-core. Le mélange des genres lui plait mais pas que. « On y mangeait très bien », assure-t-il, avant d’évoquer avec émotion des crèmes brûlées de la maman de Yann. Aujourd’hui, ce dernier a pris la relève en cuisine et la réputation de ses lasagnes n’est plus à faire.
Toko Blaze des Black Lions raconte que, jeune rappeur, c’est au contact des Massilia à la Maison Hantée qu’il commence à jouer avec des musiciens mêlant dub, ragga, reggae, et qu’il devient ce griot urbain. Les Massilia Sound System, jouent parfois en soundclash (sorte de joute) avec les B-Boy Stance, futurs IAM. Les sounds systems sont multiculturels.
La fête est finie
En 1993, la fête est finie, la Préfecture interdit les concerts, sans fermer le bar pour autant, à la suite de plaintes de voisinage. 25 ans sont passés et les concerts sont de retour, de temps en temps, mais plus de rap. En revanche Inno100, jeune rappeur de la nouvelle scène marseillaise vient d’y tourner la séquence d’un clip. Le jeune artiste fait du rap « à texte » et se réclame de cette filiation avec IAM, Luciano et Keny Arkana. Yann raconte, amusé, que le bar s’est rempli de jeunes de 25 ans. Comme au bon vieux temps de la Maison Hantée.
</italic>
Malika Moine
Adresse
10 rue Vian, 13006 Marseille
Horaires
Du lundi au samedi, de 19h à 22h
Sur le web
http://www.lamaisonhantee.net